Schéma général
L’institutionnalisation des pratiques RSE et la place des parties prenantes Stakehoders (in Barrena-Martinez et al. 2016 lien)
Un cadre conceptuel des effets institutionnels (in Mignerat et Rivard 2005 lien)
Définition des principaux concepts
Pour la Théorie Néo-Institutionnelle (TNI), notamment développée par W. DiMaggio et P. Powell (2004, 2012):
- c’est la recherche d’une légitimité sociale qui guide certaines décisions ou comportements dans les organisations;
- on appelle isomorphisme la convergence qui apparait alors à l’intérieur d’un champ organisationnel;
- et on appelle institutionnalisation le processus de changement que suit ce champ organisationnel: voir Meyer et Rowan (1977).
(On trouve une présentation du travail de DiMaggio et Powell dans l’article de I. Huault 2009 et une présentation de l’ensemble de ce courant théorique dans la thèse de R. Ben Romdhane, 2015. Aujourd’hui des recherches en Systèmes d’information utilisent fréquemment cette théorie, voir M. Mignerat et S. Rivard 2005)
1. La rationalité d’une décision par sa LÉGITIMITÉ SOCIALE
Bien au delà d’un simple calcul de rentabilité ou d’efficacité technique, plusieurs formes de rationalité justifient une décision par sa légitimité sociale:
- la rationalité procédurale: en situation d’incertitude sur l’information, la Rationalité « limitée » conduit à chercher des solutions satisfaisantes au voisinage de solutions connues et légitimes. Si en plus les pressions réglementaires ou professionnelles externes sont fortes, l’adoption d’un « comportement approprié à la norme » favorise pour une organisation sa réputation et sa pérennité;
- la rationalité mimétique: en situation d’incomplétude de l’information, la Théorie des conventions montre qu’une convention devient un système d’information et de communication sur le mode de comportement des autres. Adopter les modes de fonctionnement des organisations réputées et légitimes permet d’avoir une référence sociale pour guider les actions individuelles ou collectives (voir Zerbib 2017);
- la rationalité par consensus légitimé: en situation d’action sur les règles, la décision (soit de conserver le statu quo, soit de faire évoluer la règle) est légitimée par la procédure éthique qui a été suivie (voir Le numérique et l’éthique déontologique). La rationalité vient ici du trajet collectif qui avait été suivi pour établir une acceptabilité sociale de la règle (voir l’Agir communicationnel et voir La gouvernance polycentrique).
2. L’isomorphisme institutionnel: CONVERGENCE et homogénéisation des pratiques, dans un champ organisationnel
Une pratique de gestion est dite « institutionnalisée » quand elle est collectivement reconnue comme étant en adéquation avec le système de règles institutionnelles. On peut alors décrire la convergence au sein d’un champ institutionnel suivant trois types de forces conduisant à un isomorphisme, voir DiMaggio et Powell (2012) :
- la convergence par isomorphisme coercitif ou réglementaire résulte de pressions formelles exercées par les États, les organisations de régulation ou les institutions réglementaires: lois et règlements, en finance, en sécurité, en environnement… Les entreprises peuvent certes contester ces contraintes (voir Oliver 1991, et voir l’exemple des gestionnaires de projet SI donné par M. Mignerat et S. Rivard 2007), mais la stratégie dominante reste le compromis ou la conformité, laquelle devient par ailleurs un signal pour les parties prenantes;
- la convergence par isomorphisme normatif, mais aussi cognitif ou compétitif, résulte de la professionnalisation dans un champ organisationnel, pour définir ses conditions et ses méthodes de travail, garantissant ainsi une base légitime aux activités. Des normes quasi-homogènes (comme le reporting généralisé, les certifications, les référentiels de bonnes pratiques..) sont ainsi diffusées par les universités, les réseaux professionnels, les sociétés de conseil, les grands fournisseurs… (voir La Vision Organisante). Ces normes sont aussi adoptées sous la pression du marché au vu des entreprises leaders (voir l’exemple des Places de marchés électroniques, donné par C. Dominguez 2008).
- DiMaggio et Powell parlent enfin de la convergence par isomorphisme mimétique, même si on peut considérer que le mimétisme est plutôt un type de rationalité (voir plus haut, et voir Eggrickx 2012) qu’une force poussant toujours à la convergence (se référer par mimétisme rationnel à une convention de qualité par exemple, n’entraine pas systématiquement une convergence, voir P-Y Gomez dans la Théorie des conventions).
3. Le processus de L’INSTITUTIONNALISATION : depuis le changement institutionnel, jusqu’au pluralisme des logiques institutionnelles
A l’origine le courant théorique de l’institutionnalisme considérait que les organisations au départ « mécanistes » (créées pour atteindre des objectifs d’ordre technique) ont une tendance à se transformer progressivement en « institutions » (dont l’objectif devient alors de se perpétuer à travers l’infusion de valeurs et de normes sociales). Mais pour le néo-institutionnalisme, ce sont bien certains acteurs qui, dans la pratique, jouent avec les règles institutionnelles et peuvent alors réussir à légitimer des changements dans un champ institutionnel :
- des « entrepreneurs institutionnels » (un individu, un collectif ou une organisation) peuvent avoir les capacités suffisantes pour remettre en cause des pratiques institutionnalisées dans un champ particulier, en fonction de leurs intérêts : ils créent des pratiques ou des standards de fait, qu’ils cherchent ensuite à légitimer en tant que normes explicites, on parle alors de stratégies de légitimation et de travail institutionnel (voir Ben Slimane et Leca 2010). Voir l’exemple du championnat d’Europe de football donné par Mignerat et Audebrand (2010) et voir l’exemple des universités donné par Musselin et Dif-Pradalier (2014);
- des parties prenantes (stakeholders) peuvent ainsi être des audiences envers lesquelles les organisations doivent démontrer leur légitimité (voir La théorie des parties prenantes). Les réseaux d’ONG activistes par exemple, qui ont une forte crédibilité dans l’opinion publique, peuvent amener les industries mondialisées à accepter de nouvelles formes de régulation sociale (voir l’exemple donné par F. Palpacuer 2008).
Greenwood et al. (2002) proposent un modèle de ce « travail institutionnel » en six étapes : déstabilisation des pratiques, dé-institutionnalisation par de nouveaux acteurs, incitation à innover, théorisation et légitimation morale par des champions, diffusion par légitimation pragmatique, puis nouvelle institutionnalisation par une légitimité cognitive (taken-for-granted, pris pour acquis).
Pour certains auteurs, des « logiques institutionnelles » plurielles pourraient alors exister dans les organisations: P. Thornton (2008) considère par exemple que ces différentes logiques institutionnelles (plusieurs « mythologies », qui fournissent aux acteurs des vocabulaires, des motifs et des cadres de référence différents) peuvent être disparates ou même contradictoires. La question théorique se déplace alors vers des conflits de légitimation, qui sont au cœur de la Théorie des conventions.
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Voir les autres théories utilisées dans les stratégies des S.I.
Voir la carte générale des théories en management des S.I.
RÉFÉRENCES
Paul DiMaggio, Walter Powell (2004), The iron cage revisited: institutional isomorphism and collective rationality in organizational fields, Chap 4 in The new economic sociology
W. Powell, P. DiMaggio (2012), The new institutionalism in organizational analysis, University of Chicago
John Meyer, Brian Rowan (1977), Institutionalized Organizations: Formal Structure as Myth and Ceremonyn American Journal of Sociology Vol. 83, No. 2
Patricia Thornton, W. Ocasio (2008), Institutional logics, The Sage handbook of organizational
Christine Oliver (1991), Strategic Responses to Institutional Processes The Academy of Management Review, Vol. 16, No. 1
R. Greenwood, R. Suddaby, C. Hinings (2002), Theorizing change: the role of professional associations in the transformation of institutionalized fields, Academy of Management Journal Vol. 45, No. 1
M. Mignerat, S. Rivard (2005), Positioning the institutional perspective in information technology research, Actes du congrès de l’ASAC, Toronto, Canada
M. Mignerat, S. Rivard (2007), Réponses stratégiques des gestionnaires de projet SI aux influences des pratiques de gestion de projet institutionnalisées, Congrès ASAC Ottawa, Canada
M. Mignerat, L. Audebrand (2010), Configuration d’un champ institutionnel dans le cadre d’un méga-événement : le cas du championnat d’Europe de football. WP publié dans Systèmes d’information & management, en 2011
C. Musselin, M. Dif-Pradalier (2014), Quand la fusion s’impose : la (re) naissance de l’université de Strasbourg, Revue française de sociologie Vol. 55
K. Ben Slimane, B. Leca (2010), Le travail institutionnel : origines théoriques, défis et perspectives, Management & Avenir n° 37
C. Dominguez (2008), Quelles visions organisantes pour les places de marché électroniques? Une relecture du phénomène à travers le cadre théorique néo-institutionnel. Communication au congrès de l’AIM
Eggrickx, A. (2012). Réflexion critique sur l’adoption d’outils de gestion par mimétisme : le cas de la LOLF. Management & Avenir, 54(4)
R. Zerbib (2017), Qu’est-ce qui pousse les managers à adopter les mêmes outils de gestion? The Conversation, en ligne
R. Ben Romdhane (2015), Les effets de la multiplicité des normes et des référentiels de bonnes pratiques : le cas de la DSI. Thèse CNAM
F. Palpacuer (2008), Firme-réseau globale et réseaux transnationaux d’ONG : Vers un nouveau mode de régulation ? Revue de la régulation, Janvier
I. Huault (2009), Paul DiMaggio et Walter Powell, des organisations en quête de légitimité. Les Grands Auteurs en Management, Éditions EMS (Écouter aussi ce podcast)
Voir sur le site IS Theory une liste de références en SI qui utilisent cette théorie :