Les schémas
1. Action raisonnée: la construction d’une intention de comportement (d’après Ajzen 1991)
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2. Théorie socio-cognitive: le sentiment d’auto-efficacité (A. Bandura, in Meyer et Verlhiac 2004)
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Principaux concepts
Les modèles de la psychologie cognitive (notamment ceux de l’action raisonnée développés ici, et celui de la Dissonance cognitive) sont devenus la base de nombreuses recherches autour du concept de décision : voir les Modèles d’acceptation des technologies et les Théories de la motivation, mais aussi les modèles de l’Économie comportementale ou des Neurosciences.
Dans les approches de l’action raisonnée on considère que le comportement d’un acteur est « planifié » en fonction ses perceptions et son intention de se comporter.
1. La théorie du comportement planifié: I. Ajzen
I. Ajzen (1991) cherche à comprendre la construction de l’intention (voir Giger, 2008), laquelle est ici considérée ici comme un antécédent explicatif du comportement. Cette construction d’une intention (voir schéma 1, ci-dessus) relève de l’action raisonnée :
- d’une part de l’évaluation des espérances perçues et des effets perçus;
- et d’autre part de l’influence des normes subjectives et sociales (voir Kefi 2010).
Pour mieux tenir compte des facteurs qui ne sont pas d’ordre purement intentionnel, le modèle du comportement planifié TCP (voir Ajzen et al., 2018) introduit alors le contrôle perçu, susceptible de changer non seulement l’intention comportementale mais aussi le comportement lui-même.
Un individu peut ainsi avoir une attitude positive envers les buts poursuivis (espérances), mais pourtant ne pas avoir l’intention d’agir, par un sentiment d’incapacité perçue ou sous la pression sociale de l’entourage (voir Terrade et al. 2009).
L’intention d’agir explique ainsi une contradiction éventuelle entre l’attitude de départ et le comportement final :
- soit l’intention est construite par une évaluation ou une perception d’informations mal estimées (c’est le biais hypothétique) ;
- soit l’intention est certes positive, mais pas assez forte pour passer à l’action (car l’action, elle, est binaire: on agit ou on n’agit pas).
La théorie du comportement planifié est la base de tous les Modèles d’acceptation des technologies (TAM, UTAUT…)
2. La théorie socio-cognitive et le sentiment d’auto-efficacité: A. Bandura
A. Bandura (2003) considère qu’il y a un déterminisme réciproque entre la personne, le comportement et l’environnement : ce sont ces interactions « triadiques » qui déterminent un comportement et un apprentissage social (par une imitation, par la médiation d’un tiers ou par une extrapolation cognitive), voir Carré 2004.
En complétant le modèle TAR/TCP, Bandura établit surtout une distinction entre la perception sur les résultats attendus et la perception de l’auto-efficacité personnelle (voir schéma 2 ci-dessus en tête de la page et cette vidéo en anglais). « L’auto-efficacité perçue concerne les croyances des gens dans leurs capacités à agir de façon à maîtriser les événements qui affectent leurs existences. Les croyances d’efficacité forment le fondement de l’agentivité humaine (human agency). Si les gens ne pensent pas qu’ils peuvent produire les résultats qu’ils désirent par leurs actions, ils ont peu de raisons pour agir ou persévérer en face des difficultés ». Voir les Théories de la motivation.
L’adoption d’une technologie ne serait alors pas uniquement basée sur le fait de convaincre les individus des bénéfices qui peuvent être dérivés (les attentes de résultats) ; l’adoption exige aussi qu’un individu possède des compétences et la confiance nécessaires. Le sentiment d’auto-efficacité est considéré ici comme une variable importante de l’usage, car c’est elle qui vient modérer le lien entre intention et comportement ( voir Meyer et Verlhiac 2004).
3. La théorie du Coping, stratégies d’ajustement pour faire face au stress : R. Lazarus
Coping vient de « to cope » qui signifie « faire face ». Selon les psychologues Lazarus et Folkman (voir Bruchon-Schweitzer 2001) un individu ne reste pas passif devant un événement stressant, il s’ajuste face aux situations difficiles : il évalue les liens entre la situation et ses capacités personnelles, puis il développe une stratégie de Coping, ou stratégie d’ajustement pour faire face au stress (stratégie qui pourra se révéler plus ou moins efficace) :
- s’il considère la situation comme contrôlable, il utilisera plutôt des stratégies « actives » centrées sur le problème (vigilance, implication, recherche de soutien social…). Le stress est associé ici à un défi;
- s’il perçoit la situation comme non-contrôlable, il utilisera plutôt des stratégies « passives » centrées sur ses propres émotions (évitement, déni, fuite, fatalisme…). Le stress est associé ici à un obstacle.
On peut donc voir le coping comme un modérateur de la relation entre un événement stressant et la détresse émotionnelle (voir Paulhan 1992). Dans l’analyse de l’intention d’un utilisateur à se protéger d’un danger (voir Maddux et Rogers 1983, Protection Motivation Theory), on considère la balance entre l’évaluation de la menace (la peur et les avantages de se protéger) et l’évaluation des stratégies de Coping (l’auto-efficacité et le coût de se protéger).
En systèmes d’information,
- A. Beaudry et A. Pinsonneault (2005) ont proposé d’utiliser le modèle du coping (CMUA, Coping model of user adaptation) pour analyser les différentes stratégies d’ajustement des utilisateurs face aux menaces liées à une technologie;
- S. Kakavand (2018), dans le cas de l’adaptation aux technologies mobiles dans l’université, a pu distinguer des stratégies de coping self oriented et task oriented.
Sur les théories de la psychologie cognitive voir aussi la Théorie de la dissonance cognitive.
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Voir les autres théories utilisées dans le développement des SI
Voir la carte générale des théories en management des S.I.
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RÉFÉRENCES
Ajzen I. (1991), The theory of planned behavior. Organizational Behavior and Human Decision Processes, n° 50
I Ajzen, M Fishbein, S. Lohmann, D. Albarrac (2018). The influence of attitudes on behavior, in The handbook of attitudes, p. 1-147
Bandura A. (2003), Auto-efficacité. Le sentiment d’efficacité personnelle. Paris : Éditions De Boeck Université
Giger J-C (2008), Examen critique du caractère prédictif, causal et falsifiable de deux théories de la relation attitude-comportement : la théorie de l’action raisonnée et la théorie du comportement planifié, L’année psychologique. vol. 108, n°1
Kefi H. (2010), Mesures perceptuelles de l’usage des systèmes d’information : application de la théorie du comportement planifié, Humanisme et Entreprise n° 297
Terrade F. et al. (2009), L’acceptabilité sociale : la prise en compte des déterminants sociaux dans l’analyse de l’acceptabilité des systèmes technologiques, Le travail humain, vol. 72, no. 4
Carré P. (2004), Bandura : une psychologie pour le XXIe siècle ? Savoirs 2004 n° 5
Meyer, T., Verlhiac, J. (2004). Auto-efficacité : quelle contribution aux modèles de prédiction de l’exposition aux risques et de la préservation de la santé ?. Savoirs, hors série,(5)
Beaudry A., Pinsonneault A.(2005), Understanding user responses to information technology: a coping model of user adaptation, MIS Quarterly Vol. 29, n° 3
J. Maddux, R. Rogers (1983), Protection motivation and self-efficacy: A revised theory of fear appeals and attitude change, Journal of experimental social psychology, n°19
S. Kakavand (2018), The University’s Strategy behind the Implementation of Mobile Technology in Education & User Adaptation, Thèse à l’Université de Montpellier
Paulhan I. (1992), Le concept de coping., L’année psychologique., vol. 92, n°4
Bruchon-Schweitzer M. (2001), Le coping et les stratégies d’ajustement face au stress, Recherche en soins infirmiers N° 67
et ces liens avec de nombreuses références en S.I., sur le site IS Theories ;