Alignement stratégique des systèmes d’information – N. Venkatraman

 Schéma général

 Alignement1

  1. Le modèle de base de l’alignement stratégique (d’après Venkatraman 1993)

Alignement2

2. Les quatre « chemins » de co-alignements (d’après Venkatraman, 1993)

Définition des principaux concepts

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1. Le modèle de l’alignement stratégique de N. Venkatraman

Le modèle de l’alignement stratégique, développé par N. Venkatraman (voir Henderson et Venkatraman 1993), repose sur deux idées :

  • au niveau externe, une mise en cohérence stratégique : entre la stratégie concurrentielle et la stratégie des TIC;
  • au niveau interne, une intégration fonctionnelle : entre l’infrastructure organisationnelle et l’infrastructure des SI.

Dans une approche de la contingence structurelle des organisations (voir Bergeron et al. 1995, voir Reich et Bensabat 1996, et voir Contingency theory sur le site IS Resarch), la performance générale est alors liée à la capacité de créer un « Fit » ou alignement entre la position concurrentielle de l’entreprise (produits/marchés, compétences distinctives, coopérations…) et la configuration d’une structure appropriée pour soutenir la mise en œuvre de cette position (rôles, processus internes, gestion des SI et des technologies…), voir le schéma 1 ci-dessus et voir le schéma de H. Kefi (2011).

Pour N. Venkatraman, un cycle d’alignement stratégique passe par la succession de différents co-alignements et notamment :

  • dans une approche classique (voir chemins 1 et 2 sur le deuxième schéma général) le domaine d’ancrage (A) est la stratégie concurrentielle générale (produits/marchés, positionnement, compétences clés…). Cette stratégie générale détermine ensuite une stratégie TI (domaine pivot P), puis au final les choix sur l’infrastructure des systèmes d’information (domaine d’impact). Dans cette vision classique axée sur le développement de SI qui doivent être appropriés à la stratégie générale, on peut mettre l’accent sur la modélisation des risques de non-alignements (sur le cas des ERP, voir la thèse de S. Mamoghli, 2013); Deux logiques
  • mais dans une approche par les technologies d’information (voir chemins 3 et 4 sur le deuxième schéma général), la logique est renversée : le domaine d’ancrage (A) repose sur la maitrise stratégique de certaines technologies ou la saisie de certaines opportunités (CRM, e-Commerce, intégration logistique, convergence média/contenus, convergence informatique/télécoms, développement agile…). Ceci détermine alors de possibles avantages concurrentiels (domaine pivot P) puis au final une infrastructure organisationnelle (domaine d’impact). Cette vision basée sur les apports potentiels des TI (voir Stratégies de rupture et innovation) peut constituer une démarche renouvelée de la planification des systèmes d’information, car elle donne un support théorique soit à la déclinaison d’un schéma directeur en portefeuille d’applications à développer (une stratégie des TI à 5 ans, déclinée ensuite en objectifs pluriannuels aux niveaux techniques et organisationnels, voir par exemple Cigref 2002), soit à l’alignement opérationnel entre l’infrastructure des processus de l’entreprise et l’infrastructure informatique (voir par exemple le projet GRAAL, Guidelines Regarding Architecture ALignment, van Eck et al. 2004).

2. Les trois limites du modèle de l’alignement stratégique

Les limites du modèle originel d’alignement concernent la prise en compte de l’aspect temporel, l’impact complexe sur la performance et le rôle des usages et individus (voir le diaporama de A. Renaud 2014):

  • Pour tenir compte de l’aspect temporel, R. Sabherwal et al. (2001) développent un modèle d’alignement stratégique dynamique ponctué (voir la théorie des équilibres ponctués, dans La conduite du changement). Les organisations connaissent de longues périodes de relatives stabilités, suivies de périodes de changements radicaux. Comme l’environnement est en perpétuel évolution, un alignement est vite rendu caduc par les nouvelles contingences et on doit considérer deux grandes phases : les périodes de stabilité puis de non-alignement et les périodes de révolution puis de ré-alignement (voir l’exemple détaillé par Jouirou et Kalika 2007). Aujourd’hui les recherches portent sur les nouveaux alignements à construire en raison de l »adoption de nouvelles technologies telles que le Cloud Computing (Woitsch et Utz 2015) ou la gouvernance de données (Daidj 2021).

    Alignement3

  •  Pour tenir compte du degré de maturité dans les six grandes composantes qui détermine l’alignement, J. Luftman (2000) propose une modèle évolutif passant par cinq niveaux de maturité:

    Luffman

  • Pour expliquer l’impact complexe d’un alignement sur la performance, Bergeron et al. (2004) mesurent un co-alignement « complet » dans les PME entre les quatre dimensions (stratégies d’affaires, stratégies TI, infrastructure organisationnelle, infrastructure SI), ils concluent sur quatre types de configurations. A l’inverse, H. Kéfi (2011) ne se focalise pas sur un « fit » au niveau des stratégies, mais sur les interactions internes entre les processus organisationnels et l’infrastructure SI : en utilisant un modèle quantitatif d’évaluation de la performance, elle propose alors de distinguer les effets d’un co-alignement « mécanique » en environnement stable et d’un co-alignement « organique » en environnement turbulent.

  • E. Fimbel (2007) propose d’expliquer comment un alignement peut émerger des pratiques quotidiennes, mais en dépassant alors le seul alignement des choix d’investissement pour s’orienter vers un « alignement des usages » : un système d’information cible, puis une description des priorités, des étapes et des moyens nécessaires pour atteindre cette cible.

  • Pour tenir compte du comportement des acteurs dans le processus de construction des systèmes d’information, C. Ciborra propose même « d’enterrer » ce modèle d’alignement (De profundis? Deconstructing the concept of strategic alignment, Ciborra 1997, voir L’improvisation organisationnelle) : en fait la stratégie ne serait ni planifiée, ni explicite, ni connue, et si l’on prête vraiment attention aux évènements, aux pratiques quotidiennes et aux interprétations des acteurs, ce qu’on peut voir c’est un SI-en-pratique, la plupart du temps hors de contrôle.

  • enfin de nombreux chercheurs incitent maintenant à considérer l’alignement stratégique des TI dans des écosystèmes: l’alignement comme résultant de choix faits par des individus et à des niveaux multiples, plutôt que de décisions à l’échelle de l’organisation (Coltman et al., 2015 : Strategic IT Alignment: Twenty-Five Years on).

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Voir les autres théories utilisées dans les stratégies des S.I.

Voir la carte générale des théories en management des S.I.

RÉFÉRENCES

J. Henderson, N. Venkatraman (1993), Strategic alignment: Leveraging information technology for transforming organizations, IBM systems journal Vol 32, n°1

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R. Sabherwal, R. Hirschheim, T. Goles (2001), The dynamics of alignment: a punctuated equilibrium model, submitted to Organization Science

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J. Luftman (2000). Assessing business-information technology alignment maturity. Communications of the Association for Information Systems (AIS), 4(1)

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A Renaud (2014), L’alignement stratégique, 20 ans de développements théoriques : d’un modèle géométrique à une approche par le réseau, dans Actes des Journées Nationales du GT EASY DIM, (page 70-119, attention : 16 Mo)

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C. Ciborra (1997), De profundis? Deconstructing the concept of strategic alignment, Scandinavian Journal of Information Systems, Vol. 9 No. 1

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H. Kefi (2011), Processus organisationnels et systèmes d’information et de communication : alignement et performance. La Revue des Sciences de Gestion, 251 (5)

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Cigref (2002), Alignement stratégique du système d’information, dossiers du CIGREF

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P. van Eck, H. Blanken, R. Wieringa (2004), Project GRAAL: Towards Operational Architecture Alignment. International Journal of Cooperative Information Systems, 13(3)

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N. Jouirou, M. Kalika (2007), Les dynamiques de l’alignement: analyse et évaluation (cas de l’ERP), Conférence AIM

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E. Fimbel (2007), Alignement stratégique, Pearson, Paris. Note de lecture des étudiants MIP du Cnam

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S. Mamoghli (2013), Alignement des Systèmes d’Information à base de progiciel, vers une ingénierie dirigée par les modèles centrée identification des risques, Université de Strasbourg

la thèse

F. Bergeron, L. Raymond, S. Rivard (2004), L’alignement stratégique des TI et la performance des PME, 13ème Conférence AIMS

le lien

F. Bergeron, E. Benoit,  L. Raymond (1995), Impacts des T.I et de la stratégie organisationnelle sur la performance des organisations: une approche contingente. WP

le lien

B. Reich, I. Benbasat (1996), Measuring the linkage between business and information technology objectives, MIS Quarterly

le lien

T. Coltman, P. Tallon et al (2015) : Strategic IT Alignment: Twenty-Five Years on,  Journal of Information Technology  30, 91–100

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et voir sur le site IS Theories de nombreuses recherches en SI basées sur la problématique de l’alignement

Contingency theory